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20/06/2008
Sujet 08:
Quelle est actuellement la   tête de l'art?



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Voilà bien une question ardue!...
Pour répondre, il faut commencer par essayer de définir le mot "art". On peut par exemple proposer: Objet ou réalisation résultant de l'activité humaine dont "l'utilité concrète" est accessoire, l'objectif majeur étant de provoquer une émotion, une surprise, une admiration! L'exclamation naturelle étant: "Que c'est beau!"... accompagnée de chair de poule ou de frissons dans quelques cas rares (comme le marbre).
Le plus simple est de citer quelques exemples:
La 5ème gnossienne, Le 2ème mouvement du 2ème concerto de Chopin, La sonate au clair de Lune, La jeune fille à l'éventail de Gauguin, le lac des cygnes, Hôtel California, Notre Dame, le bateau ivre, Le désert des tartares, la Ca d'Oro, les aventures d'asterix, la   droite d'Euler, les cercles de Villarceau, la Traviata, le David de Michel-Ange, une Lamborghini, une bouteille de Petrus...
La liste n'étant évidemment pas exhaustive, chacun ayant d'ailleurs la sienne!

Dans le contexte de mondialisation effrénée dans lequel nous sommes, les questions qui viennent aussitôt sont: Qui est concerné? Comment apprécier la valeur d'une "oeuvre d'art"? Peut on en évaluer un prix? Et, bien sûr, comment payer le "génie", auteur de l'oeuvre, pour qu'il puisse vivre décemment, qu'il puisse continuer à "produire", sans que ce "confort" tarisse son génie?

Qui est concerné? Pendant longtemps, une infime minorité. Les "érudits", les gens "cultivés" étaient conscients d'être en présence d'une oeuvre d'art, les autres y étaient "sensibles", bien sûr, mais avaient bien souvent tout autre chose à faire!!! Trimer comme des bêtes pour avoir de quoi bouffer, par exemple! Du coup, les "riches" avaient leurs artistes "salariés" à qui ils commandaient des oeuvres: Portraits, messes, ballets, château, poèmes, etc... Le génie avait de quoi vivre, personne ne se souciait de la "valeur" de l'oeuvre... qui n'avait pas de prix puisqu'elle n'était pas "à vendre". L'art, à forte dose, n'était tout bonnement pas "à la portée" des pauvres hères qui peuplaient la planète. Le prix de revient exorbitant des manusrcits, des peintures, des sculptures, des instruments de musique, de tous les moyens d'accès à ces oeuvres en est la cause la plus évidente. Les choses ont commencé à changer avec l'imprimerie, et la situation a (très lentement) évolué, jusqu'à l'invention des congés payés qui a marqué un tournant très significatif, décisif (comme le mythe).

Pour caractériser la situation actuelle, les premiers qualificatifs qui me viennent à l'esprit sont: absurde, incohérent, stupide!
On peut, à grand renfort de pub, avoir chez soi pour moins de 100 euros l'oeuvre complète de Mozart, ou l'intégrale des interprétations de Maria Callas. On peut avoir, pour un prix "raisonnable", à la Pléiade, toute l'oeuvre de Victor Hugo. Sur DVD, on peut avoir tous les films de Visconti. Les oeuvres de Arthus-Bertrand sont très accessibles. Mais il faut faire partie des 2 ou 3000 plus grandes fortunes du monde pour avoir quelques kilos des ferrailles de César ou de Giacometti, quelques kilos des tas de cailloux de Rodin, quelques mètres carrés de toile barbouillée par Renoir, ou Gauguin, ou de Stael...
sinon, il faut payer une somme (trop) élevée pour avoir le droit de défiler pendant 2 minutes, au pas de course, entouré de gamins braillards, de bourgeoises liftées qui se racontent leur dernière opération, de presbytes cacochymes qui, le nez collé sur l'oeuvre, ont oublié leurs lunettes, de jeunes cadres dynamiques et dans le vent qui ont oublié, évidemment, d'éteindre leur téléphone, tout cela sous l'oeil peu amène de gardiens, prêts à fondre sur vous si vous sortez le moindre appareil photo. Cherchez l'erreur!
Il me semble que l'intégralité de l'oeuvre de Mozart a plus de "valeur" que le tas de pendules enchevêtrées devant Saint-Lazare! plus de valeur que les roulottes de Van Gogh... plus de valeur, même, que La jeune fille à l'éventail (que vous pouvez aller admirer pendant 1 heure -si vous le souhaitez- au musée de Essen, qui n'est en général pas envahi par les clampins). Et pourtant Mozart (tout entier) est à 99€, une seule toile de Van Gogh est à 10.000 ou 100.000 fois plus. Alors que Van Gogh a "crevé la faim" pendant toute sa vie.

A qui la faute? Ca nécessite une réflexion!
D'abord une réflexion sur la différence à faire entre la "valeur" et le "prix". Ces 2 mots étant systématiquement confondus (un peu comme la masse et le poids chez les physiciens). Moi même, un peu plus haut, pour améliorer le "style", j'ai utilisé "apprécier la valeur" et "évaluer un prix" (comme quoi la syntaxe peut avoir des répercussions sur la sémantique). Un éminent polytechnicien a inventé la TVA, qui est en fait une taxe à l'augmentation du PRIX. Moi, je propose de convenir que la valeur est une notion intrinsèque liée à un type de civilisation, la valeur n'étant évidemment pas la même, par exemple, dans un référentiel japonais ou européen.
Malheureusement on ne dispose d'aucune unité pour mesurer la "valeur"... C'est donc par défaut qu'on utilise le prix... puis qu'on dit: "valeur inestimable" quand on ne peut trouver le prix.
Le prix, lui, n'a rien de civilisé, il est totalement lié au système économique dans lequel on se place. Il fait éventuellement intervenir le coût de fabrication, les taxes, les lois du pays et, dans le système actuel, domine dans la détermination du prix, la sacro-sainte loi "de l'offre et de la demande" qui, pour les œuvres d'art, s'applique de manière absurde et caricaturale.
Illustrons ces différences avec quelques exemples qui serviront de modèles: Le penseur de Rodin, les flamandes de Brel, les parapluies de Cherbourg, La 5ème gnossienne, la jeune fille à l'éventail, La droite d'Euler ou bien la théorie de la relativité. Voilà 6 ou 7 oeuvres d'art de "valeurs" comparables (je sais, ça se discute)
Voyons ce qu'il en est du prix:
Le penseur, les flamandes et les parapluies ont rapporté aux auteurs et aux interprètes une somme raisonnable.
La 5ème gnossienne a du rapporter 3 francs 6 sous à son auteur, mais ne rapporte plus grand chose à personne.
La jeune fille à l'éventail est dans le patrimoine du musée de Essen, a été achetée une bouchée de pain au peintre, le modèle ayant été payé en nature, et doit figurer dans les assurances pour un montant astronomique! 200 ou 300 personnes doivent passer devant elle chaque année, dont une quarantaine en l'admirant. Elle "rapporte" donc au musée 40x5€ = 200€ par an!!!
Le penseur a un sort analogue avec un peu plus d'admirateurs.
Les flamandes, via la SACEM, continuent à faire rentrer de l'argent... dispersé dans la nature...
Les parapluies peuvent rapporter au propriétaire des "droits" (Vive Handy- Univers sale- fort sale), mais ne rapportent plus grand chose aux interprètes et au réalisateur. C'est probablement l'auteur de la musique qui s'en tire le mieux (vive la SACEM)
Quant à Euler ou Einstein, ils sont les seuls dont les productions sont invendables malgré leur valeur inestimable
incohérent, stupide, absurde!
On voit bien sur ces exemples, malgré quelques imperfections, l'effet régulateur de la SACEM. Et les effets pervers désastreux de la loi de l'offre et de la demande sur des biens "culturels". On voit bien comment l'ensemble des propriétaires organise la pénurie en plaçant les oeuvres dans des coffres et en les exhibant de temps en temps pour "donner envie" et augmenter la demande. Un propriétaire privé n'achete pas une oeuvre en fonction de sa beauté ou de sa valeur, mais seulement en fonction de l'espoir de plus-value qu'il prévoit sur son achat. On appelle ça "avoir du nez" ... Le nez est donc chez eux, l'organe qui sert à mesurer la valeur. Quand ils réussissent ils ont du "cul" ... le "cul" est donc l'unité de mesure?!...

D'ailleurs... Ce propriétaire, de quoi est-il propriétaire, au juste?
Du châssis en bois et du morceau de toile tendu sur ce châssis? Même pas! Imaginez un instant que le propriétaire du David de Michel-Ange décide qu'une fronde, c'est ringard et qu'il souhaite faire mettre à la place un pistolet mitrailleur (classieux, non!?) S'il était un VRAI propriétaire, il en aurait le droit, mais il n'en a pas le droit! Imaginez que le propriétaire des "roulottes" estime que le cadrage de Van Gogh est saugrenu, et donc décide de couper tout le bas, qui ne sert à rien, pour faire un cadrage panoramique. Bien heureusement, évidemment, il n'en a pas le droit. Le seul qui pouvait apporter une modification, c'est Van Gogh lui même... Autant dire que c'est trop tard!
Il est clair que le prétendu propriétaire est propriétaire de vent, insaisissable... Et c'est précisément ce "vent" qui est constitutif d'une vraie oeuvre d'art. Il est en fait seulement propriétaire du "droit d'interdire" aux autres d'admirer l'oeuvre. Il n'est pas plus propriétaire que quelqu'un qui aurait "acheté" le "théorème de Pythagore", ou "les fleurs du mal", ou la "9éme de Beethoven", ou "les choses de la vie", et s'en réserverait l'usage exclusif, en interdisant aux autres tout accès... Ca se fait, mais dans les pires régimes totalitaires. Le véritable propriétaire de la partie "art" de "l'oeuvre d'art", c'est moi, donc vous, c'est à dire NOUS!

En vérité, le "marché de l'art" est, actuellement, un marché de dupes... Ce qui n'est pas réjouissant. Mais on peut se consoler en relativisant: Ce sont certes des dupes, mais des dupes qui ont trop de pognon! Et qui se roulent les uns les autres... L'état (c'est à dire nous) prélevant une petite dîme à chaque transaction. Il y a cependant une réelle injustice: C'est que le génie, celui qui est à la source de cette chaîne de dupes, lui, est le plus souvent le dindon de la farce! Excepté quelques super-génies comme Salvador Dali, un des rares à avoir délibérément exploité le filon de son vivant.

Que faire pour arrêter cette mascarade?
D'abord, et c'est le plus difficile, trouver un ministre de la culture! un VRAI! Ensuite? S'inspirer de ce qui fonctionne: La musique "populaire" et la gestion de la SACEM. La pénurie est "organisée" autour de l'interdiction de reproduire les oeuvres? Il suffit donc de confier à un organisme compétent la charge de gérer des "copies conformes". Les musées nationaux, régionaux ou départementaux manquent d'argent pour embaucher des centaines d'experts tous plus brillants les uns que les autres, formés dans nos écoles des beaux arts... et souvent au chômage? Utilisons les pour réaliser d'excellentes copies (les moyens techniques modernes le permettent). Puis louons ces copies avec des baux de 10, 20 ou 99 ans aux particuliers et aux institutions. Pourquoi se priver d'avoir, dans les couloirs du métro, dans les salles de documentation des Ecoles de vraies oeuvres d'art, plutôt que des pubs de m...e qui nous polluent le cerveau? Chaque propriétaire d'oeuvre aurait "l'obligation légale" d'autoriser de telles reproductions. Le créateur de l'oeuvre pouvant (sans obligation) confier, lui aussi, son oeuvre à ce service. Une copie de toile de maître, strictement identique à l'original, à 200 ou 300€ le m²... presque au prix des revêtements muraux chez Casto ou Leroy Merlin! Ca, c'est du "beau commercial"! Ca devrait rapidement casser ce qu'il faut bien appeler de la spéculation stérile et effrénée, et donc faire baisser le prix des originaux... Les capitaux bêtement stérilisés dans ces juteux placements, pouraient servir plus utilement ailleurs. Alors le statut des oeuvres spéculatives deviendrait le même que celui des chansonnettes...
"Longtemps, longtemps, après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore dans les rues"...
Et elles courent presque gratuitement.



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